Celles et ceux qui me suivent sur Instagram le savent : je suis féministe et j’en parle beaucoup sur mon compte. Il y a quelques semaines je demandais des explications aux femmes qui se défendent de l’être – avec le regard paniqué, comme si l’on venait de les accuser de ne pas se laver les mains en sortant des toilettes. J’avais besoin de comprendre comment on pouvait encore ne pas être féministe puisque le féminisme, c’est la volonté que les femmes aient les mêmes droits que les hommes, et même plus largement, que les êtres humains aient des droits équitables, tous, sans distinctions. POINT.
Certaines m’ont répondu et j’ai bien vu que le problème venait de la mauvaise interprétation du terme, voire de l’amalgame entre féminisme et militantisme. En gros, certaines pensent que féministe = Femen torse nu et poils sous les bras en train de brouter des minous et de brûler des pénis à la pleine lune. Bref, de bons vieux préjugés à l’ancienne qu’il convient de faire valser. Et là ! Je suis tellement connue sur les réseaux (c’est faux) que le grand magazine (c’est re-faux) Valeurs actuelles a décidé de consacrer tout un numéro pour me démontrer combien il est facile de faire en sorte que ces préjugés miteux restent bien bien dans le cerveau des gens.
Une « une » magnifique (à gerber) qui nous promet de nous expliquer :
« Pourquoi les féministes sont devenues folles ».
Un programme détaillé dès cette couverture avec une litanie d’actions attribuées auxdites féministes qui (je cite hein) : « censurent notre culture, insultent la police, fantasment le « patriarcat« , s’assoient sur la présomption d’innocence, dégradent la langue française, préfèrent le foot féminin, demandent l’égalité aux WC et cassent l’ambiance en soirée… » Je vous jure qu’il s’agit bien des mots employés sur cette une de la semaine du 12 mars 2020. Comment te dire, Valeurs actuelles (je peux t’appeler Jean-Mich’ ?), que dès ton accroche, tu te fous en l’air tout seul ?? Enfin bon, surtout pour les personnes dotées d’un minimum de bon sens mais malheureusement je sais que beaucoup d’autres vont aussi lire cette merde en se disant : « Mais ouais ! Regarde Kayvin ! C’est vrai qu’elles font chier ces meufs qui veulent faire du foot… Et pis manquerait plus qu’elles picolent des bières tiens !! AHAH NanméOhh » -_-
Tout cela m’a donné envie de reprendre le chemin du blog. Alors je sais que je serai peu lue et que mon article ne changera rien à tout ça mais j’en avais besoin et comme je suis une femme, bah je fais ce que je veux. Na ! (Aaaah mon Dieu Vade retro Feminista !!)
J’ai envie de dire, OUI, je suis FOLLE !
- Je suis folle de rage que des « journalistes » titrent ce genre de merdes encore en mars 2020.
- Folle de rage qu’un homme condamné et sous mandat d’arrêt (donc non éligible à la présomption d’innocence, hein Jean-Mich’…) soit dans la course pour une récompense ET qu’il la reçoive.
- Folle de rage que les femmes qui décident de le dénoncer en quittant les lieux ou en faisant de l’humour (bah oui Jean-Mich’, les blagues sur les blondes ou les rombières qui font la vaisselle te font marrer mais pas celle sur Atchoum ? Ah bon ?? merde !) bref que ces femmes – parfois victimes elles-mêmes – qui osent dire leur indignation se fassent tirer dessus sur les réseaux et dans les émissions télé par des hommes (et parfois même des femmes !!) qui ne cherchent qu’à les faire passer pour folles et dénigrer leur geste en parlant du salaire reçu… (Mais dis donc, Cyril – un pote « à » Jean-Mich’– pour raconter autant de merdes à la télé, tu es bénévole toi ?)
- Folle de rage que l’on parle de « censure de la culture » alors que l’idée est juste d’arrêter d’encenser un repris de justice alors qu’à côté, des films réalisés par des personnes qui ne sont pas « homme + blanc + riche » sont absents de ces concours. Où est la censure ? Et les œuvres littéraires au programme des cours de français ? On en parle de la « censure » là ?
- Folle de rage que suite aux violences policières sur des femmes manifestant la veille du 8 mars, on dise que les femmes « insultent la police » alors que suite aux violences en marge des manifs de décembre on ne titrait pas : « les hommes sont devenus fous ». Non non pas question de genre là, c’était des « gilets jaunes » ou des « jeunes », « des délinquants » voire des « étrangers » mais pas des « garçons », « hommes » blindés d’hormones.
- Folle de rage qu’un auteur ET médecin généraliste se fasse insulter pour avoir osé prendre la défense des femmes en évoquant des cas, TOUS VRAIS, où le comportement des hommes était clairement celui de grosses merdes. Baptiste Beaulieu s’en prend plein la tronche parce qu’il évoque dans une chronique France Inter des situations, vraies et horribles, de femmes qui mettent leur santé en danger pour aider la merde qui leur sert de compagnon de vie à se faire cuire des pâtes…
- Folle de rage quand on me dit que « autrice » « c’est moche quand même, faut arrêter d’abimer la langue française pour des lubies quoi…», parce que là encore tu te plantes Jean-Mich’. Oui, ce mot EXISTAIT BIEN dans la jolie langue française justement, « autrice » et même « poétesse » et « philosophesse », mais que des hommes ont décidé au XVIIe siècle que : « Nan mais les gonzesses, on va pas leur mettre des noms pour les métiers qu’on aimerait bien se garder pour nous hein Paulo ?! » Et tu sais quoi ? Il n’y a pas que des femmes qui se sont insurgées contre cette réforme, des hommes aussi, oui oui, avec une verge et tout… tu rends compte ?? Alors qui l’a « dégradée » en premier la jolie langue française, en décidant d’en virer des mots, comme ça, pour s’assurer une supériorité ???
- Folle de rage de lire des livres où TOUT est écrit au masculin et où, inlassablement, c’est maman qui cuisine et papa qui travaille.
- Folle de rage qu’une publicité qui présente des vulves « imagées » soit plus sujet à controverse que des gonzesses à poil pour vendre des yaourts ! Ou même que la pub où deux personnes du même sexe s’embrassent soit détériorée là où une affiche avec une femme presque nue, à genoux et attachée, passe crème parce que c’est « de l’art» pour vendre des sacs à mains moches. Bah oui, ce qui fait vendre c’est le fantasme de l’homme cisgenre et hétéro c’est bien connu…
- Folle de rage de voir qu’en 2020 des femmes aient encore besoin de faire plaisir à leur compagnon en se forçant à avoir des rapports sexuels quand elles n’en ont pas envie, « parce qu’il a des besoins le pauvre petit bonhomme… »
- Folle de rage que des femmes soient interdites d’accès à certains endroits parce qu’elles ont leurs règles.
- Folle de rage qu’il soit encore normal de mutiler des femmes, juste pour le plaisir de leurs partenaires sexuels.
- Folle de rage qu’en 2020, les insultes les plus dégradantes soient toutes en rapport avec la féminité/sexualité de la personne qui les reçoit… femme, homme ou autre…
- Folle de rage que les féminicides augmentent et qu’en parallèle, une femme qui vient porter plainte pour violence soit mise en doute. « Mais vous étiez habillée comment aussi, hein ?»
- Folle de rage que chaque combat soit dénigré « parce qu’elles sont hystériques» ou « qu’elles doivent avoir leurs règles » …
- Folle de rage que, de l’autre côté du féminisme (donc du côté du sexisme, oui oui c’est le terme qui est le plus approprié) il y ait encore tant de femmes… Ayant été éduquées depuis si longtemps à être là pour satisfaire ces messieurs, la peur de la concurrence coule dans les veines de bien trop d’entre nous encore…
- Folle de rage de crier ici comme dans le vide alors que j’ai de moins en moins envie de me taire.
Alors OUI, Valeurs actuelles (valeurs de qui d’ailleurs ?), dans ce cas je suis folle, et tu sais quoi ? Avec des articles aussi merdiques, eh bien tu sers ma cause et celle de toutes les autres folles puisque tu grossis nos rangs.
Allez bisous Jean-Mich’ et DEBOUT LES FOLLES !!!